Parole vibrante

Je suis corde sensible, odeur de bois, poussière des siècles. J'ai des ailes, tout comme un ange, et ma voix à la fois rauque et sucrée ressemble à s'y méprendre à vos souvenirs d'enfance. Mon chant n'est pas le chant du vent, mais le cri du diable, le baiser de la sorcière, la morve de la larve et le vol du papillon, la grimace du bossu et le sourire de la fée. J'enchante les coeurs, j'envoûte les âmes. J'effraie les enfants, indispose les moribonds, attendris le coeur des amants.

Et fais aboyer les chiens.

Je suis longue mèche que l'on frotte, que l'on frappe, que l'on effleure, et j'ai une âme. Je suis vieux cheveu d'or qu'un crin vient lisser, qu'un marteau cogne, qu'un doigt caresse. Lustré de cire, mon ventre recèle gargouilles, lutins, fêtes joyeuses et même pluies maussades.

Piano, violon, guitare je suis. Maladroits, virtuoses, assassins vous êtes, vous qui me maniez. Entre vos mains je suis un prince. L'austérité sied à mes allures fines, mais j'aime aussi me faire allègre, vivace, modéré...

Enfin sachez surtout que mes cordes vives sont choses sérieuses : une affaire d'hommes.


Raphaël Zacharie de Izarra